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Varsovie, Pologne, 1943 Image n° 14 du rapport Stroop

Cours & Conférences

"L’Image témoin : l’après-coup du réel" / 7

"L’image : du stigmate au fétiche", avec Frédéric Rousseau, Sara Guindani et Emmanuel Alloa

Jeu de Paume - Paris

> « L’image : du stigmate au fétiche »
Septième séance du séminaire avec une conférence de Frédéric Rousseau, historien à l’Université de Montpellier, présentée par Sara Guindani, chercheuse à l’Université Paris 8 et Emmanuel Alloa, philosophe et théoricien de l’image.

Lors de cette séance, les intervenants tenteront d’expliquer comment une image produite par un bourreau nazi, en 1943, a pu devenir au fil des années et au prix d’une inversion radicale du regard une icône quasi universelle de la destruction des Juifs d’Europe durant la Seconde
Guerre mondiale. Après la reconstitution historique de la généalogie de cette photographie, les renversements successifs de points de vue seront présentés au travers de leurs différents contextes d’avènement. Ce faisant, une réflexion pourra s’engager sur ce que regarder veut dire, sur les usages et mésusages du document photographique, sur la responsabilité des historiens, des éditeurs, des infographistes, tous grands consommateurs d’images, et plus largement sur le rapport aux images dans nos sociétés contemporaines.

Frédéric Rousseau est professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paul Valéry de
Montpellier, directeur du laboratoire CRISES (EA 4424, Centre de recherches interdisciplinaires ne Sciences humaines et sociales de Montpellier), membre du Collectif de Recherches International et de Débats sur le premier conflit mondial (CRID 14-18). Ses recherches portent sur les sociétés en guerre au XXe siècle, les témoins, les relations entre histoire et mémoire, enfin, la muséohistoire.
Parmi ses publications : La Guerre censurée. Une histoire des combattants européens de 14-18 (Seuil, 1999 et 2003),Le Procès des témoins de la Grande Guerre-L’Affaire Norton Cru (Seuil 2003), L’enfant juif de Varsovie. Histoire d’une photographie (Seuil, 2009), Pratiquer la muséohistoire (en coll. / Athéna Éditions, 2012), Les Présents des passés
douloureux. Histoire et configurations mémorielles. Essais de muséohistoire
(Houdiard, 2012).

Sara Guindani est philosophe et spécialiste d’esthétique. Ancienne boursière du Collège de France, elle a enseigné l’esthétique et la philosophie de l’art auprès des universités de Milan et de Turin et enseigne actuellement auprès de l’université Paris 8. Ses recherches portent notamment sur les rapports entre arts, philosophie et psychanalyse, avec une attention particulière au rapport entre image et processus mémorial. Elle co-dirige, avec Marc Goldschmit, le séminaire « Spectres de la littérature » à l’École Normale Supérieure pour l’Institut des Hautes Études en Psychanalyse. Parmi ses publications : Lo stereoscopio di Proust. Fotografia, pittura e fantasmagoria nella Recherche (Milan, 2005), L’Image feuilletée. Temps et vision à partir de Proust (en préparation).

Le vendredi 1er mars à 18 h 30,
à l’auditorium du Jeu de Paume.
Entrée : 3 euros / Gratuite sur présentation du billet d’entrée
aux expositions (valable uniquement le jour même)
et pour les abonnés du Jeu de Paume.

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> « L’Image témoin : l’après-coup du réel », séminaire en 10 séances sous la direction d’Emmanuel Alloa, philosophe, en collaboration avec le département d’Arts Plastiques de l’Université Paris 8.

Dans La Chambre Claire, Roland Barthes affirmait que le « noème » de la photographie, c’est son « ça a été », autrement dit le fait que la plaque photosensible garde la trace ineffaçable d’un événement. De façon analogue, on pourrait dire que le « noème » du témoin, c’est son « avoir été là », autrement dit le fait que le témoin fut présent au moment fatidique. Et pourtant, le témoin ne deviendra réellement témoin qu’à rebours, une fois qu’il se porte témoin d’une expérience irrémédiablement passée et qu’il redonne voix à ce qui n’est plus par l’après-coup de son témoignage. Face à la violence extrême qui marque le XXe siècle, qu’est-ce que cela signifie que de penser les images qui, tant de fois, enregistrèrent les actes de barbarie, non pas tant comme des documentations de faits objectifs, mais comme des réarticulations testimoniales qui ne se limitent pas à répéter le passé mais qui le produisent tout autant, de façon performative ?

Façon de repenser la question de la limite du représentable, face au génocide. Tout génocide se caractérise par le déni de son caractère génocidaire : à l’anéantissement total s’ajoute l’anéantissement total des traces de l’anéantissement. Le séminaire affrontera la question de l’irreprésentable à travers ce que nous nommerons « l’éthique testimoniale » : à l’instar du témoin, l’image ne pourra jamais restituer la totalité des faits et ce qu’elle montre ne démontrera jamais rien. Dans sa partialité et son imperfection constitutive, elle conteste malgré tout la logique totalitaire qui peut prendre deux visages : la surexposition pornographique du tout-visible d’un côté et l’interdit théologique de toute visibilité de l’autre.

Emmanuel Alloa est philosophe et théoricien de l’image. Maître de conférences en philosophie auprès de l’Université de Saint-Gall (Suisse), il est Senior Fellow auprès du Centre eikones sur l’image (Bâle) et enseigne l’esthétique au département d’Arts plastiques à l’Université de Paris 8. Dernières publications : La Résistance du sensible (Kimé, 2008), Penser l’image (Presses du réel, 2010), L’Image diaphane (diaphanes, 2011), Du sensible à l’œuvre (La lettre volée, 2012). Il codirige auprès des Presses du réel la collection « Perceptions » dédiée à la logique du visuel et à ses transformations contemporaines. Ses recherches actuelles portent sur l’image testimoniale.