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Nous n’avions pas / Voulu voir la / Dent du chat qui / Porte le nom / De montagne 2019 © Courtesy de l'artiste Adrien Chevrot

Événement

Voir le temps venir

Séminaire sous la direction de Jean-Christophe Bailly

Du 08 novembre au 13 décembre 2019

Le séminaire, qui se tiendra en automne 2019, sera organisé en six séances rapprochées (les vendredis à 18h30, du 8 novembre au 13 décembre 2019). Il se propose de suivre six pistes liées à des pratiques qui engagent, chacune différemment, cet autre usage du temps qui se rassemble derrière la notion de ralenti. Il nous a semblé important que ces pistes recouvrent des domaines très divers : à travers cette multiplicité des approches, ce sont le caractère générique et aussi l’urgence de la question qui doivent clairement ressortir.

Un monde qui bouge, un pays “en marche”, la rapidité, la croissance, le culte de l’efficacité, de la quantité, des records, le recours aux algorithmes, aux sondages, aux digests… on voit bien que le monde tel qu’il va (s’il va…) ne peut fonctionner, pour ceux qui le gouvernent, qu’à l’intérieur d’une logique où le temps est un combustible qu’il convient de consommer le plus vite possible, comme d’ailleurs les autres ressources.

Or le temps, qui est non seulement une ressource, mais la ressource absolue, le levain de toute vie, ne l’est que parce qu’il accorde aux existences une gamme infinie de durées et de rythmes. Ces temporalités distinctes et enchevêtrées aménagent les conditions d’une vie intégralement déployée, à laquelle chacun, selon son mode, peut avoir accès. Cette expérience en prise directe, pourtant, est constamment empêchée par la tendance à l’uniformisation des rythmes qui caractérise une société fondée sur la croyance en un temps purement linéaire, formé de séquences identiques et interchangeables..

Le mouvement qui emporte ainsi les hommes dans un temps comptable et dévorant qui ne parie que sur l’accélération semble irréversible. Mais pourtant chacun, dans sa vie, tout en étant emporté, entrevoit d’autre possibilités, d’autres manières d’habiter le temps et de le vivre. Des manières qui rompent avec ce rapport usufruitier au temps et qui libèrent les énergies contenues dans des registres échappant à la loi du rendement maximum et à la pesanteur et aux injustices qu’elle fait régner…

Ici chaque instant de lassitude ou de fatigue peut être considéré comme la matrice d’une possibilité de conscience. Mais c’est vers des expériences prolongées, vers des expériences mettant en évidence le caractère multiple du cours du temps qu’il faut se tourner. L’art bien sûr mais aussi l’ensemble des activités humaines sont concernés. L’idée d’un ralentissement qui serait fondateur n’a rien à voir avec l’adjonction, au titre de supplément d’âme, de petites pratiques hédonistes qui viendraient contrebalancer l’hystérie. Ce dont il est question, via l’hypothèse d’un ralenti, c’est d’une reconversion, c’est de la reconduction de ce que Walter Benjamin avait appelé des « expériences de seuil ». Il trouvait que son temps en manquait. Qu’aurait-il pensé du nôtre !
Le seuil ce serait justement le temps de la considération du temps, le temps d’un voir venir qui serait aussi celui d’une attention décuplée.

Jean-Christophe Bailly, né à Paris en 1949, est l’auteur de nombreux livres qui se répartissent entre divers genres, à l’exception du roman. Récits, poésie, théâtre et surtout essais, sans compter de nombreuses préfaces ou articles. La question de l’image et de son rapport au temps est au centre de ses préoccupations.
Après avoir longtemps travaillé dans l’édition, il a enseigné de 1997 à 2015 à l’École nationale supérieure de la Nature et du Paysage à Blois et participe régulièrement aux activités de l’École de photographie d’Arles.
Parmi ses livres : L’apostrophe muette (Hazan, 1997), Le champ mimétique (éd. du Seuil, 2003), L’instant et son ombre (éd. du Seuil, 2009), Le dépaysement (éd. du Seuil, 2011), L’Élargissement du poème (Bourgois, 2015) et L’Ineffacé (Imec, 2016).

PROGRAMME

— Vendredi 8 novembre, 18h30
Séance d’ouverture consacrée à l’exposition du thème, et à une discussion avec Jean-Luc Nancy, philosophe. Le temps, le devenir, la pause, l’instantané, le mouvement, la fuite en avant, la lenteur. Comment approcher tout cela, comment le vivre ? Et pourquoi la perception de ce que serait vraiment le “temps réel” est-elle si importante ?

— Vendredi 15 novembre, 18h30
Séance autour de la piste animale telle que la décrit le philosophe et pisteur de loups Baptiste Morizot dans ses livres, qui rapportent ses expériences, menées notamment avec les loups. Comment les animaux, dès lors qu’on leur prête attention, nous introduisent dans d’autres temporalités, et pourquoi cette bascule nous concerne.

— Vendredi 22 novembre, 18h30
Séance consacrée à l’agriculture et à l’élevage, autour de l’expérience menée par Rémi Janin, éleveur et paysagiste sur sa ferme, en collaboration avec Armande Jammes, artiste et rédactrice de la revue Openfield. Comment une agriculture qui se sépare de l’obsession du rendement travaille simultanément à rouvrir le paysage et à rendre aux saisons la plénitude de leur déploiement.

— Vendredi 29 novembre, 18h30
Séance tournée vers l’architecture et l’urbanisme, avec les architectes Alexandre Chemetoff et Nicola Delon (de l’agence « Encore heureux ! ») ainsi qu’avec Catherine Melin, artiste plasticienne dont une partie du travail qu’elle a réalisé en Chine sur les chantiers servira d’amorce au débat. Comment l’architecture, en sortant de l’enflure symbolique, travaille directement l’espace vivant, l’espace vécu. Comment, justement, elle espace le temps et varie les séquences.

— Vendredi 6 décembre, 18h30
Séance mettant en parallèle la pratique artistique de Delphine Wibaux, fondée sur des processus de captation qui dilatent le temps de la création et les chorégraphies suspendues de Chloé Moglia. Un art de recueillir des traces et de ponctuer le chemin, ou une danse qui est comme une exploration étonnée de l’espace – dans les deux cas une expérience du temps qui s’ouvre en se rendant visible.

— Séance consacrée à l’énigme du ralenti de cinéma, à partir de différents exemples, dont Lunch Break (2008, 83’) de Sharon Lockhart, artiste et cinéaste, avec le philosophe Peter Szendy. Ce temps qui n’existe pas et qu’on ne peut pas voir, mais qu’on voit grâce au ralenti, que nous dit-il du temps, quelle est cette autre saisie du devenir qu’il discerne ?
Vendredi 13 décembre, 16h30 : Projection de Lunch Break
Vendredi 13 décembre, 18h30 : Conversation de Sharon Lockhart, avec Peter Szendy et conclusions par Jean-Christophe Bailly.

Tarif : 3 euros
Renseignements : infoauditorium@jeudepaume.org

Le séminaire sera entièrement retranscrit en caption vidéo sur notre magazine en ligne.

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